Histoire N° 1 Vendredi 4 juillet de 16H à 18H
Il me semble que je n’ai pas vécu trois jours et demi de suite aussi merveilleux que ceux que je viens de vivre.
Les dialogues en Humanité m’ont permis de vivre des moments d’une intense émotion. Il n’y avait là que des personnes emplies d’humanité : invités, organisateurs, participants, bénévoles, tous unis dans un même élan de solidarité.
J’ai moi-même eu le plaisir et la chance de me trouver auprès d’une femme exceptionnelle, Nurhajan Begum pour laquelle j’ai traduit en simultané les débats autour du thème « Utopies et Résistances » sous un arbre à palabre qui rappelait étrangement les réunions dans les villages pour écouter les griots ou résoudre les problèmes du quotidien dans diverses régions d’Afrique.
Ces brillants esprits, rassemblés là pour donner humblement leur vision du monde actuel et nous entraîner vers celui de demain, dévoilèrent, avec honnêteté et beaucoup d’intelligence, leurs propres définitions de l’utopie.
Il émanait une grande paix dans cette discussion ouverte et libre.
Et moi, je me tenais près de cette très belle femme, si fluette, si gracile et je me sentais toute petite à côté de cette grande dame de la finance. Madame Begum, toute de vert vêtue et qui avait apporté pour l’occasion un châle noir. Ma bouche chuchotait près de son oreille en instantané les propos des participants. Soudain, le soleil dardant ses rayons intensément sur nous. Madame Nurhajan Begum me confia alors, dans un geste d’une incroyable douceur son châle que je posai religieusement sur mes genoux. Très émue j’eus conscience tout au long de ma traduction du contact du vêtement d’une femme incroyablement humble et pourtant d’une telle force !
A la fin des deux heures de débat, Madame Nurhajan Begum s’est levée, elle s’est retournée vers moi, elle m’a d’abord serré la main en me remerciant de son beau regard puis m’a embrassée très chaleureusement. J’avais facilité la communication en n’étant qu’un petit canal mais cela lui permit d’être véritablement intégrée, en sa qualité de femme d’abord parmi tous ces hommes et ensuite en sa qualité de directeur général de la banque Grameen dans cet échange international. Normalement, un interprète ne travaille pas plus d’une demi-heure en simultané. J’ai fait cela deux heures durant, sans même m’en rendre compte, tant le sujet et les personnes qui participaient m’ont donné des ailes. Je n’ai ressenti aucune fatigue après. Traduire est en soi une grande responsabilité puisqu’il s’agit de transmettre aussi fidèlement que possible non seulement les mots mais aussi la pensée.
Je suis très fière d’avoir pu participer à ces dialogues en Humanité.
Histoire N° 2 Dimanche 6 juillet 2008
J’ai vécu un autre évènement exceptionnel. Le dernier jour des dialogues en Humanité, je voulais acheter le livre de Siddharta entre autres et me le faire dédicacer par cet homme avec lequel j’ai eu la chance de pouvoir échanger durant les trois jours. Il faut reconnaître qu’il nous raconta le premier soir une histoire courte mais profonde. En effet, il explique qu’il y a deux petits oiseaux sur une branche. L’un, très affairé, s’active et n’arrête pas de bouger et de s’occuper. L’autre quant à lui ne bouge pas et ne fait qu’observer l’oiseau qui s’affaire. Siddharta conclut que ces deux oiseaux sont un seul et même oiseau et qu’ils représentent juste les deux parties de nous même, la partie tournée vers le monde extérieur et l’autre partie, tournée vers nous même, vers notre monde intérieur… Et que la plupart du temps, nous nous occupons beaucoup plus de notre extérieur que de notre intérieur, de notre vie matérielle plutôt que de notre vie spirituelle. Une histoire qui fait réfléchir.
Mais j’étais occupée à donner un coup de main pour les mandalas de fleurs et je voulais une fois que j’aurai fini, m’arrêter à la librairie pour l’acheter.
Je passe devant une table où est assis Siddharta et je vois qu’il tient à la main un livre, celui que je souhaite acheter « Lettres du Gange ».
Je lui dis que je vais vite à la librairie puisqu’il est là et que je lui rapporte un livre à me dédicacer. Il me dit que ce n’est pas la peine, et que le livre qu’il tient à la main est pour moi.
Une amie bénévole avait déjà acheté ce livre pour moi. Elle était allée trouver Siddharta pour lui demander s’il pouvait me le dédicacer avant qu’elle ne me l’offre. Et Siddharta avait donc eu assez de temps et surtout du cœur pour m’écrire un mot extraordinaire que je relis depuis avec grand plaisir même si j’en ai fini la lecture.
A méditer…
Je souhaite à cette occasion revenir sur une histoire simple de ce livre mais dont le sens est facile à comprendre.
Il s’agit de fourmis, toutes entassées les unes sur les autres et formant une espèce de pyramide. Une fourmi à l’écart se demande ce qui se passe et rejoint la foule, ou plutôt le tas de fourmis en train de s’activer. Elle comprend que chacune grimpe sur les autres afin d’accéder au sommet. Dans la lutte beaucoup sont écrasées et meurent. Finalement et totalement par hasard, dans la cohue générale, une fourmi se trouve propulsée tout en haut et elle s’écrie :
« Mais, il n’y a rien de plus là-haut, il n’y a rien d’extraordinaire à voir ! » ... A méditer ...
J’ai été très touchée du geste de cette amie qui avait eu une telle attention et avait déjà tout organisé à l’avance en complicité avec Siddharta. Merci Alicia, Merci Siddharta.
Sophie Gerspacher