Doudou Diène « Ce ne sont pas des interrogations abstraites »
L’expert pour l’ONU Doudou Diène a découvert la manifestation Dialogues en humanité durant cet été 2007. Il a été séduit par la spontanéité et la vérité des échanges, le caractère informel de l’organisation, et le fait que « le cadre naturel correspond intimement au thème ».
Françoise Nowak : Doudou Diène, vous êtes le rapporteur spécial de l'ONU contre le racisme et la xénophobie. Qu’est-ce qui a motivé votre participation, cette année, aux Dialogues en humanité ?
Doudou Diène : J’ai été invité ici par Antonella Verdiani, qui est à l’origine du débat qui s’est tenu sur Auroville en fin d’après-midi. Elle m’a demandé de témoigner du vécu personnel que j’ai de cette communauté unique, et de donner mon point de vue sur son évolution. Cet aspect est au cœur de mes réflexions, puisque j’ai pour mission de conseiller le gouvernement indien ainsi que les habitants de la ville d’Auroville, sur le fonctionnement de cette entité indépendante, en tant que membre du Conseil Consultatif International d’Auroville.
Je n’avais jamais entendu parler des Dialogues en Humanité auparavant, mais cette expression m’a séduit, car elle a fait écho en moi. J’ai rencontré tout à l’heure des gens qui semblaient ne pas être très heureux des discussions auxquelles ils ont participé. Je dois dire que moi au contraire, j’ai beaucoup aimé ces rencontres, et je suis particulièrement sensible à leur « forme ».
F. N. Ce qui vous plaît dans la forme de cet événement, est-ce la spécificité du lieu où il se tient? Est-ce le déroulement de la manifestation ?
D. D. : Les deux aspects sont importants. Le côté spontané du public, ce mélange entre des gens simplement curieux et des spécialistes qui viennent partager leur savoir et leurs questionnements, de façon attentive et ouverte, tout cela est pour moi très agréable. Dans ce parc de la Tête d’Or, on est très loin des réunions internationales, où les échanges peuvent parfois être étouffés par… disons… un excès de formalisme. Dans le contexte de ces « dialogues » on apprend beaucoup. La parole est directe et va droit à son but. Sans le savoir, les gens appliquent ici le proverbe africain qui dit « quand tu fais un discours, aies pitié pour ceux qui écoutent » ! Une organisation non figée génère également de la créativité : j’ai couru d’un point à l’autre. Pendant ce temps, des idées me sont venues. Quand le corps et l’esprit se déplacent pour chercher, tout ce qu’on entend devient une nourriture !
Le lieu aussi est important : pendant que je parlais, durant le débat sur Auroville, j’ai regardé les arbres, hauts, verts et nimbés de lumière. Ils sont vivants ! Cette vibration naturelle nous influence subtilement. Le cadre naturel correspond intimement au thème. C’est une sorte de symbiose. Le mental qu’on avait en entrant change. On est touché par l’harmonie du site.
F. N. : E en terme de contenu, que diriez-vous ?
D. D. : Un proverbe africain dit que « dans la forêt, lorsque les branches des arbres se querellent, leurs racines s’embrassent ». Pour résoudre les problèmes, il faut donc revenir aux racines, à ce qui est universel, bien qu’intangible. Les gens qui viennent ici font une recherche individuelle, intense et profonde. Leurs questions sont parfois formulées sans souci de la forme, parce qu’ils ne parlent pas le langage –convenu- de la « tribu », mais celui du ressenti. Ce ne sont pas des interrogations abstraites. C’est donc très différent de ce dont j’ai l’habitude. En conséquence, j’ai été plus intéressé par les questions que par les réponses. De toutes façons, ce que l’on fait des réponses est le résultat d’une « distillation » qui dépend de chaque terrain humain.
F. N. : Avez-vous envie de revenir ?
D. D. : Je reviendrai sûrement. Je vais de même parler de cette manifestation à des personnes que je connais, et leur recommander d’y participer.
Propos recueillis le 7 juillet 2007 par Françoise Nowak