2010 Genshagen

Genshagen Berlin,Akademie unter Bäumen
Dialogues à l´ombre des Arbres dans le parc de Genshagen

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Lutte contre la pauvreté – l´art et la culture comme leviers?
Du 29 au 31 août 2010

S´inspirant des Dialogues en Humanité de Lyon, la Fondation Genshagen invite artistes, scientifiques, hommes politiques et représentants de la société civile à se rencontrer dans le parc du château de Genshagen afin de réfléchir ensemble sur la nécessité de prendre en compte l´art et la culture dans la lutte contre la pauvreté.
Un large aperçu des différentes initiatives mises en
place dans ce combat sera proposé avec l´organisation d´agoras à l´ombre des arbres et la présentation de projets ayant trait à l´éducation et à la médiation artistiques et culturelles. Les experts et le public auront l´occasion de déjeuner ensemble et de faire connaissance.

Lors des Dialogues à l´ombre des Arbres, la fondation Genshagen nous donne l´occasion de remettre au goût du jour une forme particulière de dialogue; celui-ci doit permettre aussi bien un échange approfondi autour de la portée de la médiation culturelle dans la politique sociale que la création de réseaux de contacts informels. A ces dialogues sont invitées des personnes de tous les horizons socioprofessionnels, venant essentiellement d´Allemagne, de France et de Pologne mais aussi de toute l´Europe. Parmi les intervenants figureront notamment Stéphane Hessel, un des auteurs de la Déclaration universelle de droits de l´homme de 1948 et initiateur du Collegium international éthique, politique et scientifique; Geneviève Ancel et Patrick Viveret cofondateurs des Dialogues en Humanité, avec le Maire de Lyon; Peter Storck, pasteur de l´église protestante Heilig Kreuzkirche et responsable de différents projets dans la lutte contre la pauvreté à Berlin.Berlin_Participants

Une grande table de pique-nique sera dressée au coeur du parc le dimanche à partir de 13 heures pour échanger victuailles, boissons, idées et ainsi engager le dialogue. Chacun pourra poursuivre la conversation dans l´une des agoras et aborder un thème relatif à la lutte contre la pauvreté. Les discussions seront animées par des modérateurs et des interprètes seront présents pour favoriser la communication entre tous les participants. Des projets artistiques dont la démarche est inscrite dans la lutte contre la pauvreté, seront représentés sur la scène du parc. Par exemple, l´association française Conciliabules, qui mène des projets artistiques avec des femmes résidentes ou anciennes résidentes des Centres d´Hébergement et de réinsertion Sociale femmes-enfants, viendra présenter sa pièce de théâtre Bulles d´Elles.

Monsieur Bernd Neumann, ministre d´État à la culture allemand, remettra les trois grands prix BKM pour l´éducation artistique et culturelle le lundi 30 août à 19 heures.

Video Dialogues à Berlin

Genshagen Académie à l'ombre des arbres
envoyé par dialoguesenhumanite. - L'info video en direct.

Témoignage de Sophie Gerspacher de l'association des Dialogues en humanité

Du 29 au 31 août, se sont tenues au château de Genshagen trois journées intenses en écho aux Dialogues en Humanité à Lyon de juillet 2010, dont Geneviève Ancel, Patrick Viveret et Stéphane Hessel, tous trois présents, ont été les fondateurs aux côtés de Gérard Collomb Maire de Lyon. A vingt kilomètres de Berlin, en ancienne Allemagne de l’est, perdu dans la verdure d’un parc très paisible, ce haut lieu de la coopération franco-allemande a accueilli plus d’une centaine de personnes pour sa première édition. Sous l’arbre à palabres, revisitant la tradition africaine, Geneviève Ancel a invité à échanger sur ce qui nous rend plus humain et ce qui compte vraiment pour nous. Christel Hartmann-Fritsch, la directrice de la Fondation Genshagen telle un chef d’orchestre, accompagnée d’un mime artiste nous ont guidés tout au long de ces journées, nous présentant les différents acteurs de ces Dialogues dont le thème était le combat contre la pauvreté. Expression que Christiane Hessel a vivement contestée, stigmatisant et enfermant les personnes démunies. Malgré le paradoxe d’un cadre prestigieux, les participants avaient en toute conscience, de par leur engagement, intégré les réalités de pauvreté et encore plus de la misère, valorisant les richesses et les raisons d’espérer individuelles et collectives.

Combattre la pauvreté et la misère à travers l’art, la peinture, le théâtre, la musique et permettre ainsi aux plus démunis d’exprimer leur souffrance et de la sublimer. Lors de l’exposition de certains projets par la société civile allemande, polonaise et française, nous avons constaté que des personnes engagées, partout dans le monde, s’organisaient pour construire plus de solidarité. Par exemple, le projet émouvant de Conciliabules, cette association de femmes résidentes ou anciennes résidentes de centres d’hébergement et de réinsertion sociale qui sont venues en voiture de Lyon, nous proposer un spectacle mettant en scène à partir de la poésie d’Hampaté Bâ et les mots de leur propre chemin. Lors des témoignages de vie croisés, une réflexion profonde d’une très belle polynésienne, maman de cinq enfants, parée d’une fleur de tiaré dans les cheveux doit figurer ici : « Les personnes démunies ne souhaitent pas ressasser sans arrêt les affres de la vie mais préfèrent parler et entendre parler du positif  et d’espoir ». Et l’on comprend bien pourquoi.

Un projet originaire de Pologne via une association de jeunes femmes permet un accompagnement dans un centre de réinsertion près de Varsovie pour de jeunes mineures en maison de correction. Certaines de ces jeunes sont venues avec leur fragilité nous montrer la force de résilience et la volonté de construire une vie meilleure à travers un projet musical de rap.Le projet Götterspeise und Suppenkaspar, ateliers culinaires et culturels, implique les enfants des quartiers les plus démunis de Brême, où logent principalement primo-arrivants, réfugiés et migrants. Sortir de l’isolement et intégrer les familles au sein de ces projets déclenche des changements profonds dans cette partie de la société exclue. Renverser la vapeur et permettre aux jeunes enfants d’avoir accès à un choix, à travers l’art, en leur proposant toutes sortes d’activités, leur ouvrir des portes et ainsi leur faire entrevoir qu’un futur meilleur est possible.

Un projet qui m’a personnellement beaucoup émue était le projet Dorf macht Oper, dans un petit village allemand où aucune vie sociale n’était envisageable : pas de café, pas d’activités, pas d’église, aucun lieu d’échange pour les 70 villageois. Un village presque sans vie où un couple eut l’heureuse idée de s’installer, de fédérer les habitants autour d’un bâtiment au départ délabré, une ancienne porcherie et de la transformer en salle de spectacle de 250 places. Et de rassembler les habitants autour de répétitions pour former une chorale d’opéra, des artistes de renom se joignant au projet. Une habitante du village esseulée, âgée de soixante dix ans débute alors le piano et le chant, d’autres confectionnent les vêtements pour le spectacle tout au long de l’année, les générations se parlent, les enfants sifflent à vélo les airs de « la flûte enchantée » de Mozart tandis que les plus jeunes jouent au foot entre deux répétitions. Les villageois se rassemblent régulièrement, confectionnant un Käsekuchen ou d’autres délicieuses pâtisseries allemandes et se retrouvent à parler d’autre chose que de leurs petits soucis, ils communiquent et, grâce à ce projet, un esprit d’entraide est né entre tous les participants. Ce projet a non seulement redonné vie au village mais il a aussi fait venir des personnes des alentours. 130 personnes ou plutôt artistes, artistes de la vie, sont partie prenante de ce projet tout au long de l’année.

L’autre projet qui a retenu toute mon attention était le projet d’une troupe de théâtre de Munich qui est intervenue dans une école professionnelle (Hauptschule) et qui a su par le biais de l’art, donner aux adolescents, l’envie d’apprendre, l’envie de s’insérer réellement dans la société en maîtrisant l’allemand. Je revois cette photo sur les marches de cette école, où des jeunes rayonnants lèvent les bras, nous communiquant leur joie, leur transformation de vie. Leur vie transformée par l’espoir et surtout par une estime de soi nouvellement acquise. Ils avaient été capables de participer à un grand projet, étant les auteurs et les acteurs de ce dernier.

Toutes ces initiatives ont permis aux personnes de réfléchir à un monde pour tous, un monde meilleur. Une véritable lumière au cœur de la souffrance humaine. Sublimer ses peurs d’échec et ses fantômes du passé pour vire l’instant présent, ici et maintenant pour préparer le chemin d’un avenir souriant et positif. Ces échanges ont donné des idées et ont fait des émules.

Le ministre fédéral allemand de la culture, Bernd Neumann, a attribué le 30 août en grande cérémonie le Prix BKM 2010 pour l’éducation à la culture d’une valeur de 20000 euros en soutien à des projets remarquables. Le ministre accueilli par Rita Süssmuth ex présidente du Bundestag et Christel Hartmann-Fritsch, a annoncé la création d’un Grand Prix littéraire « Franz Hessel » (du nom du père de Stéphane Hessel), poète, écrivain, critique littéraire, traducteur en allemand de Marcel Proust -« A la recherche du temps perdu », ambassadeur emblématique de la littérature franco-allemande. Ce Prix sera décerné à de jeunes auteurs français et allemands en lien avec la Villa Gillet, les Dialogues en humanité et la Ville de Lyon.

L’ensemble des artistes professionnels et amateurs, se sont succédés tout au long des journées,  théâtre, jazz, rap, rock et punk allemand de rue, chorale, expressions d’arts plastiques, jusqu’à la contribution en country danse des associations villageoises.

Le 31 août s’est terminé dans la salle principale (le temps n’a pas permis de tout faire sous les arbres). Une conclusion exceptionnelle. Une proposition d’organiser en  2014 à l’occasion du centenaire de la première guerre mondiale une rencontre sur le thème de l’humanité accueillie avec joie par Patrick Viveret et Stéphane Hessel le plus jeune participant, jeune de cœur, qui grâce à son extraordinaire souffle de vie à 93 ans, a rythmé de façon magique toutes les agoras en récitant des poèmes de Rilke, Shakespeare et aussi en français de Baudelaire. Nous voguions sur un voilier d’espoir, guidés par des matelots expérimentés, Patrick et Stéphane en capitaines rassurants, nous donnant confiance malgré la traversée d’une mer mouvementée.

Stéphane finit en beauté ces journées en prenant en main la traduction des propos de Patrick Viveret, avec une profondeur qui nous a tous fait entrevoir l’espoir que l’humanité pouvait s’élever et élever son discours et sa vision du monde. Une bouffée de bonheur, une lumière au bout du tunnel qui nous a permis de ressentir clairement que la vie était tout compte fait merveilleuse, un miracle quotidien que nous pouvions, avec la conscience et la bonne volonté rendre exceptionnelle.

Malgré une météo capricieuse, le soleil brillait dans nos cœurs et le soleil se mit à illuminer aussi le beau parc de Genshagen, nous permettant de déjeuner dehors des délicieuses spécialités allemandes que nos amis allemands avaient prévues pour nous. Cette pause bien méritée a signé un moment de détente aussi pour toute l’équipe de Christel Hartmann Fritsch, adorable et accueillante, professionnelle qui assura la traduction tout au long de cette « Akademie » afin de poser des ponts entre les différentes cultures.

Les leçons à retenir de ces journées sont multiples : la richesse de l’homme ne réside pas dans les possessions matérielles mais dans ce qu’il possède à l’intérieur de lui-même. Les richesses doivent être partagées et celui qui est sans moyens peut apporter beaucoup de richesses à ceux qui ont l’air bien lotis extérieurement. Et il est donc normal que les bien-lotis donnent une partie de ce qu’ils possèdent en retour. Un sourire est une richesse, un soleil qui déjà illumine la personne qui le reçoit. Améliorer la communication et l’échange et le respect de ces richesses que tout l’or du monde ne peut acheter. Et donc accepter la diversité des personnalités des humains que l’on croise sur son chemin.

Rendez-vous est dores et déjà pris pour l’an prochain, afin de mesurer les progrès de notre humanité, à Lyon, Berlin, Salvador de Bahia, Rabat, en Éthiopie, etc…

Concluons en disant que ces Dialogues ont été enrichis par la diversité des parcours de vie et des  cultures et par le plaisir de faire société ensemble. Le cœur parle au-delà des frontières.

Berlin-Brandenburgisches Institut

Institut de Berlin-Brandebourg
pour la coopération franco-allemande en Europe

http://www.stiftung-genshagen.de