Quelques manifestes citoyens...

Les Dialogues en humanité relaient, soutiennent ou participent à des initiatives citoyennes variées: 

  • Le manifeste des convivialistes
  • Un autre regard sur 14-18
  • Pour une politique de la relation
  • ... 

 

Les convivialistes [Manifeste]

Un autre monde est non seulement possible, il est absolument nécessaire. Et urgent. Mais selon quels principes et quels contours l’organiser ? Ce ne sont pas tant les propositions et les solutions qui manquent – techniques, économiques, écologiques etc. –, que le pavillon commun sous lequel toutes les initiatives, toutes les inventivités qui se déploient à travers le monde, pourront trouver et penser leur unité relative, et que l’explicitation de la philosophie politique minimale commune qui les inspire . Une philosophie politique qui aura pour tâche de dire comment les hommes peuvent vivre ensemble en s’opposant sans se massacrer, et de faire reposer l’adhésion à la démocratie sur autre chose que la perspective d’une croissance indéfinie, désormais à la fois économiquement introuvable et écologiquement insoutenable. Une philosophie politique du vivre ensemble (con-vivialiste, donc). C’est pour aller dans le sens de cette explicitation qu’une cinquantaine d’intellectuels et militants, auteurs de nombreux ouvrages qui dessinent des alternatives possibles, ont décidé de confronter leurs analyses en mettant au second plan leurs divergences. Ce manifeste, qui est le résultat de près de deux ans de discussions entre eux, fixe les principes généraux sur lesquels ils se sont accordés, et qui leur paraissent appropriables et enrichissables par tous.

Le texte suivant présente l'abrégé du manifeste des Convivialistes (2013). 

 

Abrégé du Manifeste convivialiste

Déclaration d’interdépendance

Jamais l’humanité n’a disposé d’autant de ressources matérielles et de compétences techniques et scientifiques. Prise dans sa globalité, elle est riche et puissante comme personne dans les siècles passés n’aurait pu l’imaginer. Rien ne prouve qu’elle en soit plus heureuse. Mais nul ne désire revenir en arrière, car chacun sent bien que de plus en plus de potentialités nouvelles d’accomplissement personnel et collectif s’ouvrent chaque jour.

Pourtant, à l’inverse, personne non plus ne peut croire que cette accumulation de puissance puisse se poursuivre indéfiniment, telle quelle, dans une logique de progrès technique inchangée, sans se retourner contre elle-même et sans menacer la survie physique et morale de l’humanité. Les premières menaces qui nous assaillent sont d’ordre matériel, technique, écologique et économique. Des menaces entropiques. Mais nous sommes beaucoup plus impuissants à ne serait-ce qu’imaginer des réponses au second type de menaces. Aux menaces d’ordre moral et politique. À ces menaces qu’on pourrait qualifier d’anthropiques.

Le problème premier

Le constat est donc là : l’humanité a su accomplir des progrès techniques et scientifiques foudroyants, mais elle reste toujours aussi impuissante à résoudre son problème essentiel : comment gérer la rivalité et la violence entre les êtres humains ? Comment les inciter à coopérer tout en leur permettant de s’opposer sans se massacrer ? Comment faire obstacle à l’accumulation de la puissance, désormais illimitée et potentiellement auto-destructrice, sur les hommes et sur la nature ? Si elle ne sait pas répondre rapidement à cette question, l’humanité disparaîtra. Alors que toutes les conditions matérielles sont réunies pour qu’elle prospère, pour autant qu’on prenne définitivement conscience de leur finitude.

Nous disposons de multiples éléments de réponse : ceux qu’ont apportés au fil des siècles les religions, les morales, les doctrines politiques, la philosophie et les sciences humaines et sociales. Et les initiatives qui vont dans le sens d’une alternative à l’organisation actuelle du monde sont innombrables, portées par des dizaines de milliers d’organisations ou d’associations, et par des dizaines ou des centaines de millions de personnes. Elles se présentent sous des noms, sous des formes ou à des échelles infiniment variées : la défense des droits de l’homme, du citoyen, du travailleur, du chômeur, de la femme ou des enfants ; l’économie sociale et solidaire avec toutes ses composantes : les coopératives de production ou de consommation, le mutualisme, le commerce équitable, les monnaies parallèles ou complémentaires, les système d’échange local, les multiples associations d’entraide ; l’économie de la contribution numérique (cf. Linux, Wikipedia etc.) ; la décroissance et le post-développement ; les mouvements slow food, slow town, slow science ; la revendication du buen vivir, l’affirmation des droits de la nature et l’éloge de la pachamama ; l’altermondialisme, l’écologie politique et la démocratie radicale, les indignados, Occupy Wall Street ; la recherche d’indicateurs de richesse alternatifs, les mouvements de la transformation personnelle, de la sobriété volontaire, de l’abondance frugale, du dialogue des civilisations, les théories du care, les nouvelles pensées des communs, etc.

Pour que ces initiatives si riches puissent contrecarrer avec suffisamment de puissance les dynamiques mortifères de notre temps et qu’elles ne soient pas cantonnées dans un rôle de simple contestation ou de palliation, il est décisif de regrouper leurs forces et leurs énergies, d’où l’importance de souligner et de nommer ce qu’elles ont en commun.

Du convivialisme

Ce qu’elles ont en commun, c’est la recherche d’un convivialisme, d’un art de vivre ensemble (con-vivere) qui permette aux humains de prendre soin les uns des autres et de la Nature, sans dénier la légitimité du conflit mais en en faisant un facteur de dynamisme et de créativité. Un moyen de conjurer la violence et les pulsions de mort. Pour le trouver nous avons besoin désormais, de toute urgence, d’un fond doctrinal minimal partageable qui permette de répondre simultanément, en les posant à l’échelle de la planète, au moins aux quatre (plus une) questions de base :

- La question morale : qu’est-il permis aux individus d’espérer et que doivent-ils s’interdire ?

- La question politique : quelles sont les communautés politiques légitimes ?

- La question écologique : que nous est-il permis de prendre à la nature et que devons-nous lui rendre ?

- La question économique : quelle quantité de richesse matérielle nous est-il permis de produire, et comment, pour rester en accord avec les réponses données aux questions morale, politique et écologique ?

- Libre à chacun d’ajouter à ces quatre questions, ou pas, celle du rapport à la surnature ou à l’invisible : la question religieuse ou spirituelle. Ou encore : la question du sens.

Considérations générales :

Le seul ordre social légitime universalisable est celui qui s’inspire d’un principe de commune humanité, de commune socialité, d’individuation, et d’opposition maîtrisée et créatrice.

Principe de commune humanité : par delà les différences de couleur de peau, de nationalité, de langue, de culture, de religion ou de richesse, de sexe ou d’orientation sexuelle, il n’y a qu’une seule humanité, qui doit être respectée en la personne de chacun de ses membres.

Principe de commune socialité : les êtres humains sont des êtres sociaux pour qui la plus grande richesse est la richesse de leurs rapports sociaux.

Principe d’individuation : dans le respect de ces deux premiers principes, la politique légitime est celle qui permet à chacun d’affirmer au mieux son individualité singulière en devenir, en développant sa puissance d’être et d’agir sans nuire à celle des autres.

Principe d’opposition maîtrisée et créatrice : parce que chacun a vocation à manifester son individualité singulière il est naturel que les humains puissent s’opposer. Mais il ne leur est légitime de le faire qu’aussi longtemps que cela ne met pas en danger le cadre de commune socialité qui rend cette rivalité féconde et non destructrice.

De ces principes généraux découlent des :

Considérations morales

Ce qu’il est permis à chaque individu d’espérer c’est de se voir reconnaître une égale dignité avec tous les autres êtres humains, d’accéder aux conditions matérielles suffisantes pour mener à bien sa conception de la vie bonne, dans le respect des conceptions des autres

Ce qui lui est interdit c’est de basculer dans la démesure (l’hubris des Grecs), i.e. de violer le principe de commune humanité et de mettre en danger la commune socialité

Concrètement, le devoir de chacun est de lutter contre la corruption.

Considérations politiques

Dans la perspective convivialiste, un État ou un gouvernement, ou une institution politique nouvelle, ne peuvent être tenus pour légitimes que si :

- Ils respectent les quatre principes, de commune humanité, de commune socialité, d’individuation et d’opposition maîtrisée, et que s’ils facilitent la mise en œuvre des considérations morales, écologiques et économiques qui en découlent ;

Plus spécifiquement, les États légitimes garantissent à tous leurs citoyens les plus pauvres un minimum de ressources, un revenu de base, quelle que soit sa forme, qui les tienne à l’abri de l’abjection de la misère, et interdisent progressivement aux plus riches, via l’instauration d’un revenu maximum, de basculer dans l’abjection de l’extrême richesse en dépassant un niveau qui rendrait inopérants les principes de commune humanité et de commune socialité ;

Considérations écologiques

L’Homme ne peut plus se considérer comme possesseur et maître de la Nature. Posant que loin de s’y opposer il en fait partie, il doit retrouver avec elle, au moins métaphoriquement, une relation de don/contredon. Pour laisser aux générations futures un patrimoine naturel préservé, il doit donc rendre à la Nature autant ou plus qu’il ne lui prend ou en reçoit.

Considérations économiques

Il n’y a pas de corrélation avérée entre richesse monétaire ou matérielle, d’une part, et bonheur ou bien-être, de l’autre. L’état écologique de la planète rend nécessaire de rechercher toutes les formes possibles d’une prospérité sans croissance. Il est nécessaire pour cela, dans une visée d’économie plurielle, d’instaurer un équilibre entre Marché, économie publique et économie de type associatif (sociale et solidaire), selon que les biens ou les services à produire sont individuels, collectifs ou communs.

Que faire ?

Il ne faut pas se dissimuler qu’il faudra pour réussir affronter des puissances énormes et redoutables, tant financières que matérielles, techniques, scientifiques ou intellectuelles autant que militaires ou criminelles. Contre ces puissances colossales et souvent invisibles ou illocalisables, les trois armes principales seront :

- L’indignation ressentie face à la démesure et à la corruption, et la honte qu’il est nécessaire de faire ressentir à ceux qui directement ou indirectement, activement ou passivement, violent les principes de commune humanité et de commune socialité.

- Le sentiment d’appartenir à une communauté humaine mondiale.

- Bien au-delà des « choix rationnels » des uns et des autres, la mobilisation des affects et des passions.

Rupture et transition

Toute politique convivialiste concrète et appliquée devra nécessairement prendre en compte :

- l’impératif de la justice et de la commune socialité, qui implique la résorption des inégalités vertigineuses qui ont explosé partout dans le monde entre les plus riches et le reste de la population depuis les années 1970

- Le souci de donner vie aux territoires et aux localités, et donc de reterritorialiser et de relocaliser ce que la mondialisation a trop externalisé.

- L’absolue nécessité de préserver l’environnement et les ressources naturelles.

- L’obligation impérieuse de faire disparaître le chômage et d’offrir à chacun une fonction et un rôle reconnus dans des activités utiles à la société.

La traduction du convivialisme en réponses concrètes doit articuler, en situation, les réponses à l’urgence d’améliorer les conditions de vie des couches populaires, et celle de bâtir une alternative au mode d’existence actuel, si lourd de menaces multiples. Une alternative qui cessera de vouloir faire croire que la croissance économique à l’infini pourrait être encore la réponse à tous nos maux.

 

Les signataires

Claude Alphandéry, Geneviève Ancel, Ana Maria Araujo (Uruguay), Claudine Attias-Donfut, Geneviève Azam, Akram Belkaïd (Argelia),Yann-Moulier-Boutang, Fabienne Brugère, Alain Caillé, Barbara Cassin, Philippe Chanial, Hervé Chaygneaud-Dupuy, Eve Chiapello, Denis Clerc, Ana M. Correa (Argentina), Thomas Coutrot, Jean-Pierre Dupuy, François Flahault, Francesco Fistetti (Italia),Anne-Marie Fixot, Jean-Baptiste de Foucauld, Christophe Fourel, François Fourquet, Philippe Frémeaux, Jean Gadrey,Vincent de Gaulejac, François Gauthier (Suiza),Sylvie Gendreau (Canadá), Susan George (Estados Unidos), Christiane Girard (Brasil),  Françoise Gollain (Reino Unido), Roland Gori, Jean-Claude Guillebaud, Paulo Henrique Martins (Brasil), Dick Howard (Estados Unidos), Marc Humbert, Éva Illouz (Israel), Ahmet Insel (Turquía), Geneviève Jacques, Florence Jany-Catrice, Zhe Ji (China), Hervé Kempf, Elena Lasida, Serge Latouche, Jean-Louis Laville, Camille Laurens, Jacques Lecomte, Didier Livio, Gus Massiah, Dominique Méda, Margie Mendell (Canadá), Pierre-Olivier Monteil, Jacqueline Morand, Edgar Morin, Chantal Mouffe (Reino Unido), Yanna Moulier-Boutang, Osamu Nishitani (Japón), Alfredo Pena-Vega, Bernard Perret, Elena Pulcini (Italia), Ilana Silber (Israel), Roger Sue,  Elvia Taracena (México), Frédéric Vandenberghe (Brasil), Patrick Viveret.

 

Pour avoir accès au Manifeste des convivialistes dans son intégralité : 

http://www.mouvementutopia.org/blog/public/Livre_Manifeste_Convivialiste...

L'Europe entre délitement et renouveau

texte en cours de discussion (Patrick Viveret, Edgar Morin etc)

Un autre regard sur 1914-1918 [Manifeste]

Quelles voix, quels chemins pour l’Europe en 2014-2018?

Pour une commémoration commune de la Grande Guerre

En cette année qui s’ouvre, les Européens auront des raisons de regarder en arrière, depuis des points de vue bien divers. Malgré cette diversité, la rétrospective qui s’offrira à eux pourrait montrer les traits communs saillants : un continent dans le tourbillon, entraînant dans le monde entier d’innombrables êtres avec lui.

Certes, les commémorations prendront des formes diverses. Ici et là, on célébrera l’union nationale dans l’effort de guerre, ailleurs on se souviendra surtout des sacrifices, des blessures et de leurs traces indélébiles. D’aucuns se pencheront sur les responsabilités, y compris les leurs, d’autres chercheront à introduire les jeunes générations dans la compréhension de la vie des aïeux. Pour quelques-uns, ce sera l’occasion de contempler la fin de la vieille Europe, pour d’autres, celle de saluer la victoire des démocraties modernes, ou encore la souveraineté nationale gagnée ou retrouvée…

A travers ces diverses facettes du temps de la Grande Guerre, pourtant, se dégagent à nos yeux quelques signes bien lisibles pour tous, et destinés à tous pareillement.

D’abord, nous devons faire acte de mémoire et de recueillement pour tous ceux qui ont perdu leur vie.
Convoqués des quatre coins du monde pour se battre, ils avaient donné le meilleur d’eux-mêmes – souvent pour la lointaine « mère-patrie »; civils, ils étaient pris dans les ravages de la guerre. Oui, il y a un devoir élémentaire de rendre hommage, ensemble, à ces vies, des millions dans le monde entier, qui n’ont pu s’épanouir, endeuillant tous les continents.

Puis, il y a l’interpellation par la clairvoyance de ceux qui voyaient venir la catastrophe. Ils étaient artistes, responsables politiques, citoyennes engagées… leurs regards et leurs paroles originales ont été ridiculisés, conspués, étouffés. Jaurès, assassiné. Il faut relire son dernier discours du 25 juillet 1914. Georg Trakl mort d’effroi. Son amie la poète Else Lasker-Schüler lui dédia ces mots « Georg Trakl succomba à la guerre, frappé par sa propre main. Et ce fut tant de solitude dans le monde […] »
Comment se fait-il que la grande majorité ait pu être aveuglée? Par quelles voies le patriotisme pouvait-il se réduire à des imageries d’ennemi jusqu’au point où l’on ne discernait plus qu’elles, et que se lançait juif contre juif, catholique contre catholique, socialiste contre socialiste?
Où sont aujourd’hui nos clairvoyances ? Notre liberté de pensée et notre courage ? Où est notre recherche de l’intérêt mutuel entre peuples d’Europe ?

Ensuite, des regards enthousiastes d’alors croisent les nôtres. La patrie sacralisée, la culture du sacrifice et l’appel à se dépasser ont été les moteurs pour de nombreux jeunes appelés. Il nous faut bien regarder en face cet enthousiasme pour ce qui était ressenti comme une grande cause.
Que faisons-nous du besoin de la jeunesse à se dépasser ? Elle est en droit de chercher du sens à la vie et des exemples encourageants. La résignation et le cynisme détruisent son énergie. Que lui proposons-nous?
Alors que la jeunesse en Europe est attachée à son appartenance commune, il s’agit de formuler avec elle aujourd’hui, de « nouvelles frontières ».

Enfin, il y a les signaux qui nous viennent des fonds des tranchées et de leur boue, entre les barbelés, de là où les infanteries des camps adverses se guettaient, tout proches les uns des autres. Sur tous les fronts, ils se rapprochaient parfois, en Italie, en Russie, aussi bien qu’en Belgique ou en France. Leurs gestes étaient modestes et parfois dérisoires. Ainsi, on en venait à se prêter des outils pour réparer les barbelés que chacun dressait contre l’autre…. Ils faisaient preuve de cette « décence élémentaire »1 qui fonde la fraternité. Mais politiquement, après la guerre, ces gestes n’avaient pas droit de cité. Pourtant ils ont existé ! Et leur enseignement est double : le désir de l’humain est « increvable », et il a besoin d’être soutenu. Il n’a pas le pouvoir de la force mais , depuis le fond des tranchées , depuis l’humiliation et l’horreur des camps de la mort, depuis les abysses de notre sauvagerie, il éclaire le chemin et finit par construire l’Europe, une Europe en paix.
La leçon est de taille aujourd’hui et vaut pour le monde : si les puissants agissaient de concert avec la raison de la fraternité, nombre de conflits trouveraient une issue dans la réconciliation, en amont de catastrophes sociales, économiques et politiques.

Considérant tous ces signes, nous émettons des vœux pour le mois d’août 2014, centenaire de la mobilisation générale dans tous nos peuples :
- qu’une commémoration officielle commune aux pays d’Europe soit organisée;
- que des gestes citoyens forts et généreux se produisent : imaginons par exemple que sur les ponts du Rhin, se dressent de longs buffets et que des repas soient partagés entre tous, y compris tous les citoyens étrangers sur les territoires des deux rives… ;
- que parmi les innombrables projets qui verront le jour en guise de commémoration, certains entament de véritables rencontres humaines, se déplaçant de pays en pays, tout le long des années 2014 à 20182 , proposant d’approfondir la logique de la fraternité et de l’amitié ;
- qu’une initiative soit prise pour approfondir et généraliser le service volontaire européen existant. Un grand service civil européen devrait couler de source de ces années de commémoration.

Premiers signataires :
Geneviève Ancel, Dialogues en humanité, Lyon ; Louis Besson, Ancien Ministre, Chambéry ; Claude Bouveresse, Vice-Présidente de la chorale Vocalam, Chambéry ; Anne-Marie Chapsal, Présidente de la chorale Ensemble2021, St.Alban-Leysse ; Cyrille Colombier, Chef de Chœur, Novalaise ; Etienne François, historien, et Beate François, Berlin ; Alfred Grosser,Paris ; Louis Join-Lambert et Mascha Join-Lambert, initiatrice de VoCE 2014 – 2018 ; Markus Meckel, Président du Service pour l'entretien des sépultures militaires allemandes (SESMA), Berlin; Richard Pétris, Ecole de la Paix, Grenoble ; Dr. Henning Scherf, Ancien Président du Senat et Maire de la Freie Hansestadt de Brême, Président de la Fédération Allemande de Chorales, Brême ; Patrick Viveret, philosophe, Paris.

Signataires :
Membres des chorales Ensemble 2021 et Vocalam : Béatrice Boutet, M. Claude Bouveresse, Olivier Casalis, Gilles Choblet, Terenia Laskowska, Véronique Rebotier, Françoise et Gérard Thiercelin.
Et :
Henri-Georges Brun, Ambassadeur de la Paix de la Ligue Humaniste Internationale, Albertville; Hugues de Courtivron, Mordelles; Christian et Béatrice v. Hirschhausen, Berlin; Cornelia Keller-Kirst, Agent Culturel, Berlin; Klaus Nussbaum, Poète, Denzlingen ; Astrid Rashed, Actrice, Berlin; Sabine Rousseau, historienne, Chambéry; Susanne v.Schenck, Journaliste, Berlin ; Dr.Annette Schiller, Société Franco-Allemande, Halle/S.; Philippe Vachette, économiste, Barberaz; Thierry Verney, historien, Chambéry; Françoise Vig, musicienne, Chambéry; Maria Winkler; Julian Walmesley, traducteur; Barbara Winzer, dramaturge, Berlin; Brice Wong, Chambéry.

Version définitive 12 janvier 2014
Proposée par Mascha Join-Lambert et Claude Bouveresse, après relecture par Vincent v.Wroblewsky, interprète et traducteur, Berlin.

Signatures au 27 janvier 2014
Mascha Join-Lambert
18, rue des Tilleuls F – 73000 Barberaz 00 33 4 79 44 2394
00 33 6 66 25 26 76 / Mascha.jl@laposte.net

1Marc Ferro, Frères de tranchées, E. Perrin, Paris 2005

2A l’instar des Dialogues en Humanités qui, depuis 2002, proposent des rencontres annuelles dans divers pays du monde et qui lanceront, début juillet 2014 à Lyon, un cycle de rencontres pour passer « des logiques de guerre aux logiques de paix « (www.dialoguesenhumanite.org) , ou encore du projet VoCE 2014–2018 / Voix et Chemins d’Europe / Voices from Citizens of Europe, qui proposera un parcours de traversée européenne, artistique et citoyen pour chorales amateurs et jeunes adultes. Contact :VoCE2014-2018@laposte.net

 

Pour une politique de la relation [Manifeste]

MARCHANT,
ÉCRIVANT,
PREMIÈRE ESQUISSE
POUR MANIFESTE

Plusieurs associations, compagnies d’artistes, des chercheurs et d’autres personnes se sont retrouvés depuis avril 2013 pour cheminer autour de cette question : “altérité, Universalité : quel monde pour demain ?” Nous savons que chaque mot de cette phrase doit être interrogé en tenant compte de l'analyse que les uns et les autres font de l'état du monde contemporain, mais aussi que certains usages aujourd'hui usurpent ces mots et les dénaturent. Nous-mêmes, nous avons procédé à de nombreuses modifications avant d'arriver à une entente.
Le texte qui suit ne reflète pas forcément la pensée précise ou plus nuancée de chaque signataire. Cette convergence intervient cependant dans un contexte de crise sociétale sur laquelle nous partageons cette idée de fond : le Divers de nos sociétés est une richesse et le nouvel horizon de nos cultures. il devrait donc être une priorité dans l’agenda des citoyens et des politiques publiques. Le chantier que nous inaugurons ainsi, avec ce texte, repose sur des enjeux d’espérances collectives, car nous pensons que « le Monde n’est pas seulement à habiter mais aussi à inventer » (Patrick Chamoiseau). Nous espérons que celles et ceux qui se retrouvent dans ce texte, le signeront et nous rejoindront pour lui donner des perspectives d'actions.

POUR UNE POLITIQUE DE LA RELATION

EN maRChaNt,
EN éCRivaNt,
PREmièRE EsqUissE
PoUR UN maNifEstE

Nous traversons une époque d'incertitude qui, sous les effets de la mondialisation économique, n'a pas de précédent. Les contradictions que vit le monde contemporain mettent en péril un certain nombre de droits et d'acquis sociaux, politiques et culturels. Ces acquis sont le fruit de plusieurs décennies de luttes contre la misère et pour faire respecter les principes de l’Egalité, de la Justice et de la Dignité humaine, principes dont l’efficacité constitue aujourd’hui l’horizon d’espérance de l’immense majorité du genre humain. Les contradictions du système globalisé génèrent par contre des violences exacerbées, nationales, ethniques, environnementales, mais aussi interindividuelles. C’est le futur même de l’humanité qui est interrogé, malgré l’accumulation inédite de ressources, de forces productives, de connaissances et malgré la proclamation quasi universelle de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme comme fondements
de la société.
Au cours des dernières décennies, le "système-monde" est devenu certes multipolaire, mais en accentuant ses hiérarchies. Le durcissement des inégalités, la suppression de millions d’emplois dans les pays industriels, le développement de la précarité, la concentration des populations dans des ghettos sociaux, la surenchère sécuritaire et l'interdiction de se déplacer librement pour certains (sans risquer de mourir) sont des évolutions inquiétantes de notre monde.

La crise est le cadre dans lequel les questions sociales et culturelles se posent aujourd'hui. Mais cette crise n'est pas seulement à penser en termes de redistribution : c'est une transformation, une mutation profonde de nos sociétés qui est en jeu. La mondialisation économique conduit à des situations d’interactions accrues et accélérées entre les individus, les groupes et les nations ; elle a ouvert le champ de la mondialité. Un monde nouveau est en gestation. Un monde où toute personne doit trouver sa place quelles que soient ses origines, ses cultures, ses langues, ses manières de voir, de penser et d’être.

Le signe visible de ces mutations est que nous vivons tous dans des villes-monde, des quartiers-monde, des villages-monde. Ces villes, quartiers et villages sont multiculturels et leurs espaces publics deviennent interculturels. il s’agit donc de penser une politique interculturelle de ces espaces où chaque différence participe à la création du vivre ensemble.
Nous ne partons pas de rien, ni pour notre éthique ni pour nos pratiques. Nous inscrivons au contraire nos engagements dans des héritages sociaux, culturels, politiques et intellectuels qui défendent pour l'essentiel le libre-arbitre dans le partage, la rencontre et la Relation et la responsabilité d'être ce que nous voulons en dehors de ce que l'on veut faire de nous. Ces héritages, nous les assumons comme une éthique vivante qui nourrit nos pratiques au présent, au-delà de toute frontière quelle qu'elle soit. Elle nous rend, chacun, « disponible pour la rencontre, et l’expérience, et l’événement de l’Autre... [Car] C’est ainsi que la Relation ouvre le futur aux grandes fécondités. C’est ainsi qu’elle assure au présent son degré indispensable d’amour, de partage, de juste fraternité, et son souci de la moindre différence. C’est ainsi qu’elle ouvre à notre devenir l’appétit le plus vaste pour la diversité. » (Patrick Chamoiseau) L'usage que nous faisons du terme interculturel interroge les frontières, toutes les frontières : politiques et policières des états ou des agglomérats d’états, idéologiques des représentations, des identités et des structurations hiérarchiques, voire scientifiques des prétentions "primordialistes" qui hiérarchisent les êtres humains selon le social ou l'ethnique ou la « race » ou la croyance, ou telle ou telle histoire nostalgique, nationale ou civilisationnelle, supposée pure, originelle, authentique.

Nous ne sommes pas dans une dynamique de construction d'un système mais plutôt à la poursuite de chemins dont les jalons reposent sur des enjeux d’espérance collective. Nous avons des objets communs de réflexion et d’action et nous nous proposons de leur donner forme avec celles et ceux qui en ressentent l'urgent besoin et le désir. Nous constatons en effet que les aspects de la multiculturalité sont le plus souvent ignorés, ou déniés au profit d'une gestion à court terme de ses effets stigmatisants, notamment à travers la tentation de segmenter le territoire en espaces distincts créant des frontières sociales visibles et invisibles.
Dans ce sens, la lutte contre l’ethnocentrisme et l’égocentrisme est indispensable. il n’est plus temps de considérer son point de vue personnel (individuel ou collectif ) comme étant le seul "bon", ou le meilleur et encore moins l’unique. Il est temps par contre de penser chacun de nos mondes comme un « Tout-Monde » (Edouard  Glissant).

Une "mutation anthropologique" est à l'oeuvre et nous pensons essentiel de travailler sur ses effets implacables, ils s'imposent à toutes et tous et dans tous les domaines. Il existe des échanges et des transformations qui demandent une reconnaissance  par la société. C'est une richesse dynamique qu'il faut mettre en valeur.

Nous sommes porteurs d’une interrogation : comment construire une Relation entre les uns et les autres dans un vouloir vivre-ensemble, laïc et socialement reconnaissant ?

Ces deux valeurs (la laïcité et la reconnaissance) nous semblent devoir cadrer le devenir de nos sociétés et fonder une politique de la Relation : qui fait lien, qui fait échange qui peut faire récit commun. Notre préoccupation majeure est de promouvoir une idée renouvelée de l'Universalité : qui ne soit plus pouvoir ou toute-puissance d'un ordre mondial mercantile, socialement et culturellement injuste, mais une «diversalité» (Edouard Glissant) qui prend en compte la dignité de tous. Pour partager et construire ensemble dans ce sens, il nous faudra travailler sur les mots et leurs usages pour ouvrir le champ d'un nouvel imaginaire. Nous partageons cette idée que les mots sont importants et qu'il faut rester vigilant sur leurs usages et leurs rendements concrets : idéologiques, sociaux, économiques. L’interculturel désigne pour nous cet enjeu majeur, car nous savons qu’il y a des discours et des pratiques totalitaires qui se positionnent à l’inverse de nos intentions, comme les fondamentalismes religieux, politiques, nationalistes, éthnicistes ou mercantiles. Nous avons la conviction que la connaissance et la reconnaissance (en quoi consiste la promotion de l’interculturalité) dans les espaces de vie (quartiers, villes et territoires), peuvent contribuer à modifier les représentations et à constituer une ressource politique, sociale et culturelle importante. Comme nous avons la conviction que le travail de rencontre, d'établissement de relations et de "créolisation" sociale peut contribuer à terme à la refondation de la citoyenneté sur la base d'une égalité effective des Droits.

Lyon, 24 mars 2014

POUR TOUTES CELLES ET TOUS CEUX QUI VOUDRONT SIGNER ET FAIRE VIVRE CE
MANIFESTE, INSCRIVEZ VOTRE SIGNATURE SUR LE SITE DE LA MAISON DES PASSAGES

www.maisondespassages.org

Les premiers signataires
A2P Nord-Sud-Sud / ADATE / Adrien Franck / Amirouche Aurélie / ARTAG - Centre social à l'unisson /
Azzimonti Francesco / Bacot Yolande / Balume Ya-Mutuale / Barret Françoise / Barthez Jean-Claude /
Beauvoir Marcel / Boutin Elisa / Camara Ganda Oumar / CCO de Villeurbanne / Cédiey Eric /
Chaouite Abdellatif / Chopin Nadine / Cie Novecento / Collectif de l'Atre / Compagnie Gertrude II /
Corso Cécile / Dire d'Etoile / EPI de Vaulx-en-Velin / Fall Fati / Ferhat Bahija / FIJI-RA / Frérot Olivier /
Gilbert Jeanne / Guichard Bruno / Gumpel Georges / ISM-CORUM/ Jaganathen Sandra / Jamonneau Baptiste /
Kebbouche Saïd / La famille Carton Pâte / La Maison des Passages / La Tribu Hérisson / Levin Sarah /
Malia Compagnie / Massalve Emmanuelle / Meier Florence / Meynier Gilbert / Mommey-Sothier Martine /
Pascaud Audrey / Paturel Guy / Perret Zohra / Perrin-Niquet Christine / Pitiot Christine / Pousset Xavier /
Prince-Agbodjan Didier / RADDHO Diaspora / Ragon Louise / Raphel Dominique / Revue Ecarts d'identité /
Righi Farid / Sana Serge / Sebihi Nadia / Som I Joseph Désiré / Tayebi Mohamed / Tellache Karim /
Thévenin José / Thibault-Verrier Yvette / Vaillé Magali / Zeglama Hanane /