L’humanité est confrontée à des rendez-vous cruciaux où elle joue sa propre existence. Elle se trouve devant des défis identifiés, en particulier les risques écologiques et les inégalités sociales qui mettent en danger le vivre-ensemble. Ces risques ne sont pas simplement juxtaposés. Ils peuvent interagir et provoquer des crises systémiques, par exemple des crises financières. À l’échelle générationnelle, l’ensemble de ces risques relève du court terme : ce sont des enfants déjà nés qui seront concernés.
Dans cette période critique de l'histoire de l'humanité, personne ne peut relever les défis séparément. Nous avons donc besoin de construire des alliances entre des types d’acteurs aux intérêts et visions de l’avenir diverses, voire contradictoires, mais qui ne peuvent pas s’enfermer dans des stratégies parallèles. Nous devons agir sur plusieurs leviers et passer des alliances, y compris conflictuelles.Le Forum de Lyon vient de montrer qu’elles sont envisageables.Face à l’ampleur des risques majeurs, nous devons construire ces alliances entre institutions internationales, acteurs économiques, société civile, territoires, puissance publique, traditions spirituelles…
Il ne s’agit pas de masquer les différences et les divergences mais, dans le cadre d’alliances nouvelles, de repérer des zones d’accord fondamentales et de construire des zones de désaccords et de conflits positifs. Des « plates-formes d’accords partiels » sont possibles sur des enjeux majeurs tels que l’eau, les risques de guerre, le dérèglement climatique, la lutte contre la misère, la prolifération des armes de destruction massive…
Ces stratégies supposent de s’appuyer sur la capacité de l’humanité à faire face aux défis qu’elle rencontre, comme elle l’a fait au long de son histoire. Il est donc urgent de développer notre désir d’humanité. Notre action ne peut pas s’appuyer seulement sur une « heuristique de la peur » (H. Jonas). La lucidité sur la gravité des risques est en effet nécessaire, mais la peur finit par générer impuissance et angoisse. Pour faire face aux risques, nous devons miser à la fois sur « le principe espérance » et sur le « principe de responsabilité ». Nous sommes ainsi mis au défi de développer de l’imaginaire positif, du désir d’humanité. Nous sommes devant la nécessité d’un saut qualitatif qui fasse passer l’humanité à un niveau de conscience supérieure ; pas seulement une conscience rationnelle supérieure, mais l’intelligence du cœur. Nous ne sommes plus dans l’ordre de l’hominisation, mais dans celui de l’humanisation [# C’est la perspective qui anime les « Dialogues en humanité » : à travers le dialogue et la confrontation entre les expériences, les cultures, les traditions, les disciplines (sciences, arts, spiritualités, politique, monde de l’entreprise…), nous pouvons tous ensemble tenter de mieux comprendre ce qui fait l’humain et tenter de grandir ensemble vers plus de sagesse, plus de confiance en soi, en l’autre, en l’avenir, vers plus de compréhension et plus de justice.]
Patrick Viveret, philosophe, directeur du Centre international Pierre Mendes France