Produit Intérieur Doux

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Produit intérieur doux, ça vient d’où ?
Produit intérieur doux contre Produit intérieur brut, dollars vitaux contre dollars gonflables : l'expérience du carrefour des savoirs sur les finances publiques au Québec.

Le Carrefour des savoirs sur les finances publiques constitue une initiative originale pour remettre en cause la façon de comptabiliser la richesse d'un pays.

En 1997, revendiquant une réforme de l'aide sociale, des groupes de Québec organisent un Parlement de la rue et campent pendant un mois devant l'Assemblée nationale. Bernard Landry, alors vice-premier ministre, est le dernier représentant du gouvernement à se présenter au Parlement de la Rue. Les personnes présentes le mettent au défi d'entrer en dialogue avec des personnes qui vivent la pauvreté.

Il accepte. Dans les semaines qui suivent, le Carrefour des Savoirs est constitué. Des rencontres ont eu lieu en 1998 et 1999, avec le ministre et les fonctionnaires qui préparent le budget du Québec. Au croisement de l'expertise des personnes qui connaissent la pauvreté, et de l’expertise de ceux qui connaissent la mécanique budgétaire et économique des finances publiques, de nouveaux concepts apparaissent qui expliquent ce qui est évident dans la vie des plus pauvres et qui est absent des outils comptables étatiques.

Ainsi, face au Produit intérieur brut (PIB), le groupe a inventé le Produit intérieur doux (PID). Face à la Dépense intérieure brute, il y a la Dépense intérieure dure (DID), face aux dollars vitaux, il y a les dollars gonflables.

Doucement ces concepts font leur chemin. Ils contribuent au débat public et à l'appropriation des mécanismes de finance publique par les citoyens, notamment lors de campagnes pré-budgétaires.

 

La mobilisation du collectif (rédaction d'une proposition de loi à partir des réflexions et suggestions de milleurs de personnes, et l'appui de plus de 215 307 personnes et 1600 organisations) a été décisive dans l’obtention d’une loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 13 décembre 2002, elle dicte au gouvernement d’agir pour faire du Québec d’ici 2013 l’une des nations industrialisées où il y a le moins de personnes pauvres.
L’obtention de la Loi a été un premier pas, mais il reste du chemin à faire, et le Collectif continue son action, avec analyses, bilans de l’action gouvernementale et proposition de mobilisations.

Ainsi l’appel à la mobilisation collective pour les 5 ans de la Loi pour un Québec sans pauvreté : « Bâtir un Québec sans pauvreté » est une nouvelle campagne de mobilisation pour démontrer à l’Assemblée nationale notre volonté commune de faire du Québec une société sans pauvreté et l’engager, au nom des droits humains, à combattre la pauvreté, ici, dès maintenant.

Produit intérieur doux :

En cherchant à comprendre ce qu'était le Produit intérieur brut, les participants du Carrefour des savoirs ont réalisé qu'une partie seulement de la production de richesse donne lieu à des échanges monétaires et que seule cette partie est comptabilisée. C'est pourquoi, il a complété l’indicateur PIB d’un Produit intérieur doux (PID), qui prend en considération toutes les contributions, non monétaires, non monnayées et/ou non monnayables qui participent la richesse humaine et collective. On peut alors classer les activités de la vie courante dans le PIB ou le PID…. La prise en charge d'un malade à l'hôpital va dans le PIB, en prendre soin à la maison va dans le PID. Une majo-rité de la richesse produite par les femmes, les personnes sans emploi, les enfants, les retraités… relève du PID. Ainsi, une personne sans emploi ou sous-payée donne l'impression de ne pas contribuer à la richesse en raison de la faiblesse de ses revenus, mais dans une conception élargie de la richesse, elle peut y contribuer de manière comparable à un PDG d’entreprise.

Dépense intérieure dure :

En regardant de plus près la formation du PIB, les participants du Carrefours des sa-voirs ont compris que le PIB pouvait se calculer en additionnant soit les revenus, soit les dépenses effectuées par la société. Cela s'appelle alors la Dépense intérieure brute. Là encore, la méthode laisse à désirer: l’idée d’inventer la dépense intérieure dure (DID) est de comptabiliser chaque fois qu'il y a un coût pour la vie et la vitalité des gens, de la société ou de la planète. Ce coût jusqu’à présent n’est pas comptabilisé. Lorsqu’une personne perd sa santé faute de moyens pour se payer un médicament, c'est de la Dépense intérieure dure… Parfois, la DID ressurgit dans les flux monétaires et s'inscrit dans la Dépense intérieure brute. Une personne très affaiblie qui devient malade et doit être hospitalisée coûte cher. Si la personne meurt, son histoire ne contribue pas aux statistiques économiques, mais le déficit humain n'en sera pas moins réel…

Dollars vitaux contre dollars gonflables :

Prenant à contre pied la remarque du ministre Landry "un dollar est un dollar", le groupe a défini trois « couches » de dollars dans le revenu. Les premiers dollars sont les dollars vitaux, servant à la couverture de besoins essentiels. La couche suivante, celle des dollars fonctionnels, permet de fonctionner, de vivre et de bien vivre. Mais il y a un plafond à ce qu'on peut dépenser pour vivre confortablement. Le reste, ce sont les dollars excédentaires et gonflables, puisque avec ces dollars on peut en faire d'autres, en spéculant (investissement, actionnariat, prêt). Cette distinction permet de démontrer qu’un dollar rajouté à un dollar vital a une utilité plus grande qu'un dollar ajouté sur un dollar gonflable : le premier sert à maintenir la vie. De plus, cette hiérarchie met en évidence "l'utilité marginale décroissante du dollar dans le revenu".
Par ailleurs, les dollars vitaux sont surtout des dollars locaux : ils seront dépensés dans l'économie locale, pour acheter des biens et des services de base. Les dollars gonflables sont plutôt des dollars fuyants: on les investira là où est le meilleur rendement…
Le Carrefour des savoirs a alors posé la question cruciale: où placer les priorités et les seuils collectifs entre dollars vitaux, fonctionnels, excédentaires afin de tenir compte de leur valeur d'utilité différente ?

(texte inspiré de l'intervention de Vivian Labrie, Collectif pour une Québec sans pauvreté, lors de la rencontre "Reconsidérons la Richesse", du 2 mars 2002, à Paris).

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