Résolution-conflits

 

Compte rendu de l’agora :
 
« Une résolution des conflits par la société civile et les organisations internationales »
 
 
Modérateurs :
ANTONELLA VERDIANIA (de l’UNESCO, chercheuse en sciences de l’éducation), invite les participants à faire part de leur expérience sur les interactions possibles entre la société civile et les organisations internationales dans la résolution des conflits.
 
SERGE PERRIN (Mouvement pour une Alternative Non-violente de Lyon) évoque le rôle de la société civile dans l’appropriation du droit d’ingérence et souligne que si les militaires savent arrêter les combats, c’est la société civile qui construit la paix.
 
Interviennent successivement :
WANDA MUNOZ (Mexique - Handicap international) expose comment l’interdiction des mines antipersonnel, décidée en 1997, est le résultat de l’action des ONG ayant compris qu’il fallait agir en amont et non travailler uniquement sur l’appareillage des victimes. L’initiative a pris corps au Cambodge à partir de l’expérience menée sur le terrain par un médecin. La vigilance doit porter à présent sur le respect de l’interdiction. L’autre étape consiste à faire interdire l’usage des bombes à sous munitions : d’ores et déjà plus de 60 000 signatures ont été collectées.
 
ZHANG LOUN (Chine – sociologue), réfugié politique en France depuis 1989, ancien dirigeant du mouvement des étudiants, souligne la promotion en 2006, au sein des Nations Unies, de la commission des droits de l’homme au statut de conseil des droits de l’homme, ce qui renforce son rôle. Ce changement de statut est la conséquence du lobbying de la société civile. De la même manière, c’est la société civile qui fait évoluer la position des Etats pour la défense et le respect des droits de l’homme. A l’aune des résolutions votées par les Nations Unies, ces dix dernières années, il se déclare confiant en l’avenir. 
 
NATHAN ( ?) COHEN, pour Israël, représente l’association « Courage de refuser », organisation de soldats israéliens qui refusent de servir dans les territoires occupés. Il explique l’impact de son action par le fait de regrouper des individus engagés en tant que citoyens et non au titre d’un parti politique. Il estime que le conflit israélo-palestinien ne se résoudra que sous la pression internationale ; d’où l’intérêt de rencontrer sur ce thème d’autres ONG, et en particulier palestiniennes, au sein des Dialogues en humanité.
 
ABDEL FATAH¸ de l’association Al Rowwad (?), est retourné en Palestine après avoir obtenu en 1993 un doctorat en génie biologique et médical. Il s’est demandé, après les accords d’Oslo, comme Cyrano de Bergerac, que faudrait-il faire pour la paix :
 
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce,
Grimper par ruse au lieu de s'élever par force?
Non, merci. Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers? Se changer en bouffon
Dans l'espoir vil de voir, aux lèvres d'un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre?
Non, merci. …Déjeuner, chaque jour, d'un crapaud?
Avoir un ventre usé par la marche? Une peau
Qui plus vite, à l'endroit des genoux, devient sale?
Exécuter des tours de souplesse dorsale?.
Non, merci.
….
Mais chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l'oeil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre,ou faire un vers!

Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul! ».
 
Toutefois, il reconnaît que l’action ne peut être solitaire : la loi, la justice, les organisations internationales sont nécessaires pour créer le rassemblement des bonnes volontés. Il a alors fondé le centre culturel Al Rowwad ( ?) avec et pour les enfants, jugeant que ce sont eux qui construiront l’avenir. Il croit à l’efficacité de la non violence et à la force de l’Art sous toutes ses formes, comme valeur universelle. Il espère que les enfants israéliens et palestiniens pourront vivre dans un Etat à part égale.
 
A ce stade des échanges, SERGE PERRIN précise que c’est à l’initiative du MAN que les représentants des associations israéliennes et palestiniennes ici présents ont été invités à se rencontrer, en territoire neutre, pour renforcer leurs liens par rapport aux extrémistes de même qu’il leur est demandé d’intervenir dans les quartiers pour encourager le dialogue interculturel et intercommunautaire.
 
STEPHANE HESSEL, ancien ambassadeur auprès des Nations Unies, militant international pour les Droits humains, poète, rappelle que l’ONU est une expérience unique dans l’humanité, trop méconnue, au service des droits de l’homme. Les Etats et les grandes entreprises financières ont besoin d’instances qui introduisent des valeurs morales, capables d’influer sur les décisions politiques. Ce sont les Nations Unies qui ont créé la notion d’ONG, terme inscrit dans sa charte. Les citoyens sont appelés à exercer individuellement leur responsabilité au sens sartrien du terme par le biais des organisations humanitaires et des médias ainsi que de nos jours par internet.
 
AUDE..( ?), présidente de Germes de paix, médecin psychanalyste, témoigne de son expérience pendant 20 ans au sein de la société psychanalytique de Paris, ainsi que dans le dialogue interreligieux, avec André CHOURAQUI, Mohamed ARKOUN et bien d’autres, pour mettre en évidence la responsabilité des européens dans les conflits contemporains qui ont, de ce fait, un double devoir de vérité et de réparation. Elle est responsable actuellement d’une association « Cluny, chemin d’Europe » en partenariat avec une autre association à Paris « Artisans de paix ». Dans le contexte du conflit israélo-palestinien est né un projet de créer dans le Sinaï égyptien un chantier ex-nihilo en mobilisant des associations européennes, israéliennes et palestiniennes oeuvrant pour la paix afin d’apprendre à vivre ensemble. Ce projet s’intitule « Germes de paix, un rendez-vous… »
 
MARC LEBRET (?), président de « Carrefour des Mondes et des Cultures » situe son action au-delà des appartenances religieuses, à partir de deux volets : création de centres de rencontres, pour lutter contre le repli communautariste voire intégriste, sur la base des centres Beit-Ham qui accueillent des jeunes israéliens et palestiniens en difficulté, et activités interculturelles diverses pour aller à la découverte de l’autre.
 
ANTONELLA VERDIANIA revient sur la notion de « résolution des conflits ». Elle préfère parler de « transformation de conflits » car elle pense que le conflit est nécessaire. Souvent ces notions sont confondues avec les termes de négociation ou de médiation qui font appel à des techniques et des niveaux d’interventions de statut différent.
 
EDGAR LALOUM, éducateur et formateur, co-fondateur des centres Beit-Ham et membre du « Carrefour des mondes et des cultures » explique pourquoi, à son avis et à partir de son parcours personnel (au Maghreb, en France et en Israël), les résolutions de l’ONU ne sont pas appliquées dans le conflit israélo-palestinien. En premier lieu, jusqu’en 1987-8, les résolutions ne visaient pas à remettre les territoires occupés aux palestiniens pour créer un Etat, en second lieu les Etats-Unis ont considéré, jusqu’à leur intervention en Irak, détenir une influence exclusive dans la gestion du conflit. Parallèlement, l’Europe reste très timorée, en particulier la Grande Bretagne, l’Allemagne et la France, en raison de leur passé historique respectif dans cette partie du Moyen Orient ou par rapport à la question juive.
Depuis 1987-8 il essaie de mettre en place des projets de rencontre entre israéliens et palestiniens sur des thématiques de toute nature : sport, musique, théâtre, échanges professionnels sur la base d’un projet intitulé « villages de la tolérance ».
 
M. ( ?), ressortissant béninois souhaite aborder la question des conflits en Afrique. Il considère qu’ils s’expliquent essentiellement par l’émergence des intégrismes religieux et des intérêts financiers ainsi que par l’absence de démocratie dans la plupart des pays. Il cite, à titre d’exemple, pour leurs conséquences sur la paix : l’exploitation de l’uranium par AREVA au Niger dont ne profite pas les habitants, la guerre civile du Libéria et les trafics d’armes, la situation actuelle en Côte d’Ivoire dramatique pour le rayonnement culturel dont elle bénéficiait en Afrique et, enfin, la guerre du Darfour pour le rôle ambigu de la Chine afin de rendre inopérante l’action du conseil de sécurité de l’ONU. Il estime que l’analyse de ces conflits est insuffisamment abordée dans le cadre de cette manifestation.
 
DOMINIQUE YANOGO du Burkina Faso, prêtre, fondateur de l’association « solidarité Marthe et Marie » prend l’exemple de son pays où de nombreuses ethnies et plusieurs religions cohabitent. Les relations hommes/femmes n’y sont pas faciles. Son association scolarise depuis vingt ans des jeunes filles en les formant à un métier, en nombre modeste mais ayant valeur d’exemple.
 
RYAD SALLEM, triple champion d’Europe de Basket Fauteuil, se demande pourquoi l’universalité des règles qui régissent les différentes disciplines sportives dans le monde n’est pas transposable, dans son principe, aux relations internationales pour les pacifier et éduquer à la paix.
 
ANTONELLA VERDIANIA précise que sous l’égide des Nations Unies et de ses différentes instances, les Etats peuvent participer aux programmes qui sont développés dans le domaine de l’éducation à la paix. La France a mis en place une coordination pour la décennie de la paix 2001/2010. Yves BAILLY intervient à ce titre dans l’agora de ce jour sur le thème « éduquer à la culture de la paix »
 
A la question d’un participant, ANTONELLA VERDIANIA répond que l’utilité des Nations Unies et de ses différentes agences réside d’abord dans l’espace de discussion qu’elles organisent. La société civile doit impliquer les Etats par la pression qu’elle peut exercer sur leurs représentants. Son rêve serait d’organiser des formations à la résolution des conflits, à l’intention des chefs d’Etat.
 
KIFLE SELASSIE (ancien directeur de l’UNESCO) confirme que toutes les organisations qui dépendent des Nations Unies ont pour objectif la paix et prend l’exemple du rôle de l’UNESCO au Moyen Orient pour conférer le statut d’observateurs aux mouvements de libération de la Palestine en 1972-4. Il insiste sur la complexité des conflits et la menace qui pèse sur le rôle des Nations Unies. Ce sont de plus en plus les Etats qui exercent, en son sein, leur influence au détriment de la société civile. D’autre part, actuellement la résolution de certains conflits est « sous-traitée », par exemple en Afghanistan, en Irak...
 
TAREK, représentant du mouvement palestinien « Volontaires pour la paix », appelle l’attention sur les conséquences psychologiques sur les enfants touchés par les conflits à la fois comme auteurs et victimes. Devenus adultes, ils risquent de continuer à se comporter de manière violente, s’ils ne sont pas pris en charge sur le plan psychologique. Sinon, ce sera une menace pour le monde entier.
 
WANDA MUNOZ conclut l’agora sur 2 points :
-          le rôle premier d’Handicap international n’est pas la résolution des conflits, mais de développer des initiatives locales en faveur du droit à la santé, au travail et à l’éducation. Handicap international organise des espaces de paroles pour les personnes victimes de conflits. Des résultats positifs ont été obtenus au Nicaragua, au Mozambique, en Afghanistan et le Sénégal.
-          elle voudrait que ne soit pas oublié le rôle de la Cour internationale de justice. Les victimes doivent également faire valoir leurs droits par tous les moyens. La société civile doit investir tous les espaces ouverts.